La rage est une maladie zoonotique
causée par un virus de la famille des Rhabdoviridae et du genre
Lyssavirus qui fut identifié en 1903 par le médecin et biologiste
français
Paul Remlinger (1871-1964). Généralement transmise par morsure,
mais quelquefois par simple léchage, elle entraîne une encéphalite,
provoquant une psychose et des agressions violentes de la part de
l'individu infecté, bien qu'il existe aussi des formes plus frustes
où le malade est particulièrement calme. L'issue fatale, conséquence
de la paralysie des organes internes, est systématique si une
vaccination ne peut être effectuée en temps voulu, c'est-à-dire
avant l'apparition des premiers symptômes. Bien que la rage ait été
pratiquement éradiquée dans certains pays d'Europe par la
distribution, en pleine nature, d'appâts vaccinants, elle continue
de faire entre 40.000 et 70.000 victimes chaque année dans les pays
d'Afrique et d'Asie, où la maladie est endémique.
Après une infection humaine, soit par morsure ou simple léchage, le
virus pénètre le système nerveux périphérique. Il voyage alors le
long des nerfs vers le système nerveux central. Cependant son
mécanisme d'action reste encore mystérieux. Une étude pionnière
conduite à l'Université de Tel-Aviv a retracé le chemin précis du
virus vers le système nerveux central. L'étude, publiée dans PLOS
Pathogens, a été conduite par le docteur Eran Perlson et Shani
Gluska de la Sackler Faculty of Medicine et de la Sagol School of
Neuroscience, en collaboration avec le Friedrich Loeffler Institute
en Allemagne.
Un virus pirate
Le système nerveux humain peut être divisé en une partie centrale et
une partie périphérique. La partie centrale comprend le cerveau et
la moelle épinière. Le système nerveux périphérique est constitué de
tous les nerfs qui partent et retournent au système central.
Les cellules nerveuses sont des cellules extrêmement spécialisées,
constituées d'un corps cellulaire (le soma) et d'une extension
pouvant être très longue (l'axone). La communication inter-nerfs se
fait à l'aide de réactions électrochimiques entre les axones et les
somas de différents neurones, ou entre les axones et les autres
organes du corps tels que les muscles. En plus de leur rôle de
transmetteurs des impulsions électriques, les axones transportent
des matériaux moléculaires tout le long de la fibre nerveuse.
Pour suivre le virus de la rage dans le système nerveux, les
chercheurs ont cultivé des neurones sensitifs de souris dans une
chambre d'observation et ont utilisé de l'imagerie sur cellules
vivantes. Ils ont "vu" le virus pirater le système de protéines
transportant les composants cellulaires le long des neurones et les
conduisant directement vers la moelle épinière. Une fois arrivé, le
virus a pris la première protéine transport disponible vers le
cerveau, où il a entamé son action pathogène avant de continuer vers
les autres organes, provoquant leur arrêt les uns après les autres.
"La rage ne fait pas que pirater la machinerie du système nerveux
central, ce virus manipule également cette machinerie pour aller
plus vite, explique le docteur Perlson. Nous avons montré que la
rage pénètre dans un neurone du système nerveux périphérique en se
liant au récepteur p75 chargé de capter un certain facteur de
croissance du nerf, lui-même responsable de la santé des neurones
car sa stimulation peut entraîner l'apoptose, c'est-à-dire
l'autodestruction des cellules en réponse à un signal. La différence
est que son transport est très rapide, plus vite même que les
ligands endogènes, les petites molécules qui voyagent régulièrement
le long du neurone et qui le gardent en bonne santé."
Pirater le pirate
Le Dr Perlson ajoute : "Le transport axonal est un processus délicat
et crucial pour la survie des neurones et, lorsqu'il est perturbé,
cela peut amener à des maladies neurodégénératives. Comprendre
comment un organisme comme la rage manipule sa machinerie peut nous
aider dans le futur pour restaurer le processus ou même le manipuler
pour nos propres besoins thérapeutiques. [...] Il est également
tentant d'utiliser la même machinerie pour faire pénétrer des
médicaments ou des gènes dans le système nerveux."
En mettant en lumière la méthode grâce à laquelle le virus pirate le
système de transport dans les cellules nerveuses pour atteindre son
organe cible avec un maximum de vitesse et d'efficacité, les
chercheurs espèrent que leurs découvertes vont permettre aux
scientifiques de contrôler la machinerie neuronale pour traiter la
rage et les autres maladies neurodégénératives.
Sources :
>>> Rabies Virus Hijacks and Accelerates the p75NTR
Retrograde Axonal Transport Machinery
>>> Ambassade de France en Israël / ADIT
|