Une équipe de chercheurs de
l'Université d'Auburn (Alabama) affirment que des facteurs
biologiques peuvent jouer un rôle clé dans le façonnement des
croyances religieuses dans les sociétés humaines.
Selon le professeur Gopikrishna Deshpande, principal auteur de
l'étude publiée dans Brain Connectivity, la croyance
religieuse implique différentes régions spécifiques du cerveau, et
la religiosité d'un individu, c'est-à-dire sa disposition à croire
ou non en un être supérieur, dépend de la façon dont ces régions
communiquent entre elles.
L'équipe conclut que le cerveau des sujets religieux et non
religieux fonctionne différemment et que les différentes croyances
religieuses peuvent avoir évolué au cours des millénaires comme
d'autres traits humains tels la langue. "La croyance religieuse
est un attribut humain unique observé dans différentes cultures
autour du monde, même dans celles qui ont évolué indépendamment,
comme les Mayas d'Amérique centrale et les Aborigènes en Australie",
annonce Gopikrishna Deshpande, qui ajoute : "Cela a mené les
scientifiques à penser qu'il doit y avoir une base biologique à
l'évolution de la religion dans les sociétés humaines".
Avec la collaboration d'Instituts nationaux de la santé, les
chercheurs de l'Université d'Auburn ont utilisé l'IRMf (imagerie par
résonance magnétique fonctionnelle), permettant de visualiser les
zones d'activité cérébrale lorsque celles-ci sont stimulées. Deux
groupes de participants ont été formés, comprenant des sujets
autoproclamés croyants et non croyants, qui ont dû répondre à
diverses questions évoquant trois dimensions psychologiques de la
croyance religieuse : le niveau d'implication du sujet dans ce
domaine, sa connaissance dans la religion et sa perception des
émotions.
Les chercheurs ont alors constaté que la croyance d'un individu en
une religion dépend de trois dimensions cognitives :
- La perception du niveau d'implication de Dieu dans la vie du
sujet
- La perception des émotions de Dieu par le sujet
- La doctrine personnelle du sujet et sa connaissance de la
religion
L'IRMf a démontré que ces trois données bien distinctes activent
trois zones différentes du cerveau. Cependant, bien que le niveau
d'activité cérébrale ne varie pas entre les individus religieux et
non religieux, des différences notables dans la façon dont ces
régions communiquent entre elles ont été mises en évidence.
Ainsi, les personnes qui croyaient profondément en la présence d'un
être surnaturel dans leur quotidien avaient tendance à stimuler les
voies de communication du cerveau associée à la régulation de la
peur. Celles dont les croyances sont davantage basées sur une
doctrine et une connaissance de l'écriture religieuse stimulaient
plutôt les voies associées au traitement du langage. Enfin, les
athées étaient généralement ceux avec la plus grande capacité à
activer les voies associées à la partie "imagination" et à
l'imagerie visuelle de leur cerveau, selon l'étude.
Deshpande estime que cette constatation suggère que les sujets dotés
d'une meilleure capacité à imaginer et construire des images
mentales sont moins susceptibles de se déclarer comme croyants. Il
propose comme explication que ces personnes tentent d'imaginer
visuellement un évènement surnaturel comme un test de son existence,
puis en rejettent l'idée lorsqu'ils constatent que cette image ne
correspond pas à un exemple enregistré dans leur mémoire.
Selon les chercheurs, le développement évolutif de cette capacité
chez les humains peut avoir induit l'apparition du besoin religieux
dans les sociétés humaines. Encore précise-t-il que ces résultats ne
signifient pas que la croyance religieuse d'un individu soit
totalement dépendante de facteurs biologiques, mais résulte plus
vraisemblablement d'une combinaison de facteurs biologiques et
sociaux, ces derniers pouvant également influencer le développement
des voies cérébrales.
Jean Etienne
Sources principales :
Brain Networks Shaping Religious Belief
Evidence of biological basis for religion in human evolution
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