Découverte en 2011 dans le désert du
Sahara, la météorite martienne de 320 grammes NWA 7034 (pour
Northwest Africa 7034), affectueusement nommée Black Beauty,
présente des caractéristiques uniques et d'un très grand intérêt
pour les scientifiques et les astronomes.
Estimé à 2,1 milliards d'années, son âge en fait un des plus anciens
échantillons de la surface de la Planète rouge que l'on possède
(devant ALH 84001 – 4,1 milliards d'années, NWA 7635 et NWA 8159 –
2,3 milliards d'années chacun). Cependant son intérêt réside surtout
dans sa non appartenance aux trois principaux groupes de météorites
martiennes que l'on possède actuellement, les SNC : Shergottites,
Nakhlites et Chassignites, soit essentiellement des roches ignées de
matière volcanique refroidie.
A contrario Black Beauty est une brèche, c'est-à-dire une roche
formée par conglomérat résultant de la dégradation mécanique
d'autres roches, sédimentaires ou volcaniques, réunies dans une
matrice basaltique. Sa richesse en eau s'avère aussi dix fois
supérieure à tous les échantillons similaires. Cette eau a pu
provenir d'une source volcanique ou d'un aquifère proche de la
surface, ce qui laisse penser qu'une activité aqueuse a persisté à
la surface de Mars au début de sa première période géologique, l'ère
de l'Amazonien, qui a débuté il y a 3 milliards d'années.
L'analyse a révélé des composants sédimentaires similaires à la
composition chimique des roches analysées sur la surface martienne
par les rovers martiens, ce qui a permis aux chercheurs de conclure
qu'ils étaient en possession d'un échantillon de la croûte de la
planète, le premier à être formellement identifié comme tel. Dans un
document récent, les scientifiques rapportent que des mesures
spectroscopiques de la météorite sont parfaitement en phase avec les
observations effectuées depuis l'orbite des plaines martiennes
sombres, les zones où la couche de poussière rouge de la planète est
particulièrement mince et où les rochers sous-jacents percent la
surface. Selon Kelvin Cannon, un étudiant diplômé de l'Université
Brown (Providence, Etat de Rhode-Island), Black Beauty est un
véritable patchwork de roches enfouies sous la surface martienne.
Un mystère ancien élucidé grâce à
Black Beauty
Kevin M. Cannon, un géologue de l'Université Brown spécialisé en
sciences planétaires et principal auteur de l'étude, souligne que
Black Beauty permet d'élucider un mystère de longue date. En effet,
le signal spectral des météorites SNC ne correspond jamais
tout-à-fait avec les données spectrales recueillies de la surface
martienne par les sondes en orbite. "La plupart des échantillons
martiens sont assez semblables aux mesures des engins spatiaux",
déclare le chercheur, "mais tout en restant fâcheusement
différents". Ainsi, après avoir fait l'acquisition d'un fragment
de Black Beauty, Cannon a utilisé un système d'imagerie
hyperspectrale développé par
Headwall
Photonics Inc., une société basée dans le Massachussetts,
permettant l'analyse spectrale détaillée de l'ensemble de
l'échantillon.
"D'autres techniques nous donnent des mesures d'un point précis",
déclare Cannon. "Ce que nous voulions faire, c'était obtenir une
moyenne pour l'ensemble de l'échantillon. Et cela nous a donné un
résultat cette fois identique aux données orbitales".
Les chercheurs estiment à présent que cette analyse spectrale permet
de mettre un visage sur les plaines sombres, qui suggère que ces
régions sont dominées par des roches de brèche semblables à Black
Beauty. "Nous pensons donc que ces zones sombres sont
représentatives de ce qui se présente sous la poussière rouge d'une
grande partie du reste de la planète. Si vous alliez sur Mars et que
vous ramassiez un morceau de croûte, vous pourriez vous attendre à
ce qu'il se présente choqué, concassé et réaggloméré", conclut
Cannon. "Mars est criblé de plus de 400.000 cratères d'impact de
plus de un kilomètre de diamètre. La 'bréchification' étant une
conséquence naturelle de ces impacts, il est normal que du matériau
similaire à NWA 7034 se soit accumulé sur Mars au fil du temps".
Jean Etienne
Source (entre autres) :
Meteorite may represent ‘bulk background’ of Mars’ battered crust
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