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21
mars 1965 : lancement de Gemini III, premier vaisseau biplace
de la Nasa |
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Bien qu'ayant été précédé par les
capsules Voskhod 1 et 2 soviétiques emmenant respectivement 3 et 2
hommes en orbite, on peut considérer que Gemini III (et non Gemini
3, selon l'appellation officielle en chiffres romains), fut le
premier vaisseau véritablement multiplaces de l'Histoire. En effet,
pour des raisons exclusivement politiques sur un fond de guerre
froide, les Soviétiques avaient décidé de marquer l'opinion et de
garder la tête dans la course à l'espace en satellisant, les
premiers, plusieurs cosmonautes dans un même vaisseau. Or, et on ne
l'apprendra que trente ans plus tard, les Voskhod n'étaient que des
cabines Vostok monoplaces dépouillées de tout système de sécurité et
instruments considérés comme non absolument indispensable (y compris
la tour de sauvetage) de façon à
ce que plusieurs cosmonautes puissent s'y entasser, et même sans combinaison
spatiale dans le cas du premier.
Mais revenons à Gemini III. Ce premier vol habité faisait suite à
deux vols d'essai, l'un accompli le 8 avril 1964 au cours duquel une
cabine Gemini avait accompli 64 révolutions sans occupants à bord,
avant de se désintégrer dans l'atmosphère, aucune récupération
n'étant prévue. L'autre, le 19 janvier 1965, ne portait que sur
l'essai du bouclier de rentrée atmosphérique au terme d'un simple
vol balistique de 19 minutes, sans satellisation. Ces deux
expériences ayant été couronnées de succès, il fut décidé que le
troisième vaisseau de ce type serait habité et placé en orbite.
Parmi la dizaine d'astronautes de la Nasa, le premier choix se
portait sur Virgil Gus Grissom. En effet, celui-ci n'avait cessé de
faire pression sur les concepteurs du nouveau vaisseau afin qu'il
ressemble à ce que les astronautes voulaient, et non à ce que les
ingénieurs voulaient réaliser. Son influence avait été telle que les
techniciens avaient fini par surnommer Gemini la "Gussmobile" ! En
qualité de responsable des équipages, Donald Slayton, un des
astronautes du "groupe des Sept" du programme Mercury mais qui
n'avait pu voler suite à un (très) léger problème cardiaque, choisit
Alan Shepard comme second membre d'équipage. Mais moins de deux mois
après le début de la préparation du vol, Shepard est atteint d'un
syndrome de Ménière (problème de tension dans l'oreille interne)
entraînant un trouble de l'équilibre et… une interdiction de vol. Il
sera finalement remplacé par John Young, un pilote d'essais de 34
ans.
D'abord planifié pour le 20 avril 1965, la date est d'abord avancée
au 6, puis finalement à fin mars. Et le 23 mars 1965 à 14h24 TU,
Gemini III s'envole avec les deux astronautes, emportée par une
fusée Titan 2, un vecteur intercontinental destiné à l'origine à
transporter une bombe nucléaire de 9 mégatonnes (la plus puissante à
l'époque de l'arsenal américain).
La combustion du second étage de la Titan ayant été légèrement plus
longue que prévu, Grissom devait, sur les instructions reçues du
centre de contrôle, légèrement freiner afin d'atteindre l'orbite
prévue de 160-240 km. Il actionna cependant les moteurs de manœuvre
trop longtemps et Gemini III s'inscrit sur une orbite de 160-225 km,
légèrement plus basse que prévu. Au cours du vol, les astronautes
effectueront plusieurs changements d'orbite, une première pour la
Nasa, passant d'abord à 156-168 km tout en modifiant le plan
orbital, puis à un périgée de seulement 72 km lors de la troisième
et dernière révolution, ce qui aurait provoqué la rentrée en cas de
défaillance des rétrofusées.
Au terme de ce court vol test, Grissom sépare le vaisseau de
l'adaptateur arrière qui abrite notamment les réservoirs d'oxygène
et de propergols et déclenche les quatre fusées de freinage. Mais la
rentrée ne s'effectue pas comme prévu, la cabine ne se comportant
pas du tout comme lors des essais effectués en soufflerie et se
déporte de 100 km au-delà du point de réception programmé en mer. Le
parachute principal s'ouvre à 3000 m et Gemini III amerrit à 19h16
TU. L'impact avec la mer est beaucoup plus violent que prévu, et la
visière du casque de Grissom se brise sous le choc tandis que Young
subit quelques écorchures sans gravité.
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Récupération de
Gemini III. Crédit Nasa. |
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Bilan scientifique
Tous les objectifs de la mission sont atteints, excepté une
expérience biologique et la couverture photographique de la surface
du globe.
Une expérience de croissance cellulaire, placée à bord de Gemini III
à peine une semaine avant le vol, devait être manipulée par Grissom.
Malheureusement, une poignée de cet appareil se brisa lors de la
première utilisation, ce qui fut imputé à un manque de préparation
et l'impossibilité de toute répétition en raison du délai
extrêmement court entre l'installation à bord et le vol.
Les images de la Terre prises par une caméra automatique 16 mm
furent inexploitables, suite à un mauvais réglage préalable de
l'objectif. Du moins selon la raison officielle, car il apparut plus
tard que la lentille frontale était simplement sale.
Anecdotes :
Lors du précédent programme Mercury, il était de coutume que les
astronautes attribuent eux-mêmes un nom de baptême à leur vaisseau.
Or Gus Grissom avait failli perdre la vie lorsque sa capsule Mercury
MR4 avait coulé au terme d'un vol balistique le 21 juillet 1961,
suite à l'ouverture prématurée de la porte de la cabine après
l'amerrissage. Ce fut dont fort logiquement qu'il décida d'appeler
Gemini III "Molly Brown", du nom d'une naufragée célèbre ayant
survécu à la catastrophe du Titanic. La Nasa n'apprécia pas outre
mesure ce choix, et demanda à Grissom quel nom de substitution il
avait choisi. A cela, l'astronaute répondit "Titanic" ! Finalement,
la Nasa accepta l'appellation de Molly Brown, mais décida que
dorénavant, les vaisseaux ne porteraient plus de nom et seraient
désignés par un chiffre romain.
Alors qu'en orbite, les astronautes attendaient de sortir de la
période nocturne afin de procéder à une première modification de
leur trajectoire, laquelle exigeait une parfaite visibilité, Young
saisit un sandwich au corned-beef qu'il avait dissimulé et le tendit
à Grissom. Celui-ci en grignota quelques bouchées seulement, par
crainte de répandre des miettes dans l'apesanteur de la cabine. En
fait, il s'agissait d'une plaisanterie concoctée par Walter Schirra,
qui avait acheté une douzaine de sandwiches au magasin Wolfies de
l'avenue de l'Atlantique Nord à Cocoa Beach, et les avait "testés"
un par un en les lâchant du haut d'une échelle afin de sélectionner
celui qui résisterait le mieux aux contraintes du lancement… Mais
l'"affaire" prit une tournure quasi-dramatique, les ingénieurs du
vol clamant que cette initiative avait ruiné une expérience
consistant à évaluer les effets des aliments concentrés et
lyophilisés embarqués pour la première fois dans l'espace.
La nouvelle, une fois parvenue au Congrès (!), fut largement reprise
dans la presse en insistant sur le manque de conscience
professionnelle et de sérieux de la part des astronautes. Mais ce
qui n'a jamais été précisé à l'époque, c'est que la nourriture
"officielle" embarquée à bord de Gemini III ne constituait en rien
une expérience scientifique et n'était là que pour une évaluation de
son goût, de sa commodité et de ses propriétés de reconstitution.
Personne en effet ne s'attendait à en apprendre quoi que ce soit sur
le plan médical sur les effets de la nourriture de l'espace lors
d'un vol aussi court, et cette "plaisanterie" n'eut aucune
conséquence.
Et enfin, Grissom, bien que n'ayant effectué précédemment qu'un vol
suborbital à bord de Mercury MR4 en 1961, était officiellement le
premier homme à retourner dans l'espace.
Jean Etienne
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Récupération de
Gemini III à bord du porte-avions USS Intrepid. Crédit Nasa. |
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Décollage de la
fusée Titan 2. Crédit Nasa. |
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