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Il
y a 50 ans : Gemini VIII en perdition, et Armstrong gagne son
ticket pour la Lune ! |
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Le 16 mars 1966 à 16:41:02 TU, une fusée Titan
II s'élançait depuis Cap Canaveral, emportant la capsule Gemini VIII
à bord de laquelle avaient pris place David R. Scott, et surtout, un
certain Neil A. Armstrong, dont on reparlera beaucoup par la suite. |
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Emblème de
Gemini XIII. Les deux barres (courbes) à gauche ne font pas
partie du chiffre romain, mais symbolisent les Gémeaux. |
L'objectif de la mission était double. Tout
d'abord, enfin réussir un amarrage en orbite avec une cible, en
l'occurrence un étage de fusée Agena (GATV-5003), lancé 101 minutes
auparavant, et qui avait été spécialement équipé pour cela. Second
objectif, Scott devait effectuer une sortie extravéhiculaire
beaucoup plus longue que les 20 minutes de White lors de Gemini IV,
et surtout s'éloigner de 30 mètres du vaisseau en intercalant
plusieurs rallonges à son cordon ombilical. En outre, des
instruments devaient être fixés sur l'Agena et rester exposés au
vide spatial durant plusieurs mois, avant d'être récupérés par une
mission ultérieure.
Avant leur départ, les astronautes avaient eu droit à un copieux
petit-déjeuner… à l'américaine : filet-mignon, œufs, toast, jus
d'orange et café au lait. Alors qu'ils engloutissaient tout cela,
les médecins, tout en les reconnaissant en "superforme" leur
faisaient une dernière recommandation, presque sous la forme d'un
reproche anticipé : "Restez à bord de votre capsule après
l'amerrissage jusqu'à ce qu'on vous recueille". En fait, c'était
même un ordre… auquel tous les autres astronautes avaient
systématiquement désobéi. Ceux de Gemini III, John Young et Virgil
Grissom, s'étaient même débarrassés de leurs combinaisons spatiales
avant de l'arrivée de l'hélicoptère, ce qui n'avait guère plu aux
pontes de la Nasa. Armstrong et Scott allaient-ils s'en souvenir ?
Après un report de quelques minutes, le décollage eut lieu de façon
"nominale", pour reprendre un terme consacré par la Nasa, et le
vaisseau se plaça sur une orbite circulaire à 297 kilomètres de la
Terre. Le feu vert était directement donné pour accomplir 15
révolutions (le programme en prévoyait quarante-cinq), puis à 18h17
TU, une première manœuvre réduisait la vitesse de la capsule de 0,9
mètre par seconde afin de l'inscrire sur une orbite de 270
kilomètres d'apogée, soit 27 kilomètres au-dessous de celle d'Agena.
A 18h59, Armstrong prenait les commandes, modifiant à nouveau
l'orbite et ramenant le périgée à 215 kilomètres. Gemini VIII était
ainsi plus rapide qu'Agena, la rattrapant progressivement.
A 19h48 TU, soit 3 heures et 17 minutes après le lancement, le
contact était établi pour la première fois avec la cible. A partir
de cet instant, un dispositif informatisé, couplé au système de
détection, devait conduire Gemini vers son but jusqu'à la fin de
l'opération. Le vaisseau se trouvait alors à 480 kilomètres derrière
Agena, et 82 kilomètres au-dessous.
A 21h25, les feux de signalisation d'Agena devenaient visibles pour
l'équipage ; il restait encore 160 kilomètres à rattraper. Puis avec
une aisance déconcertante, Armstrong, aux commandes de Gemini, se
rapprocha rapidement d'Agena. Peu après 22 heures, la phase finale
de poursuite était engagée, les deux vaisseaux naviguant alors sur
le même plan orbital.
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L'étage de
fusée-cible Agena, vu depuis Gemini VIII avant la jonction. Crédit :
Nasa. |
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A 22h25, l'écart est réduit à 3 kilomètres, puis
15 minutes plus tard, les deux engins ne sont plus séparés que de 45
mètres. Enfin à 30 mètres de distance, le "rendez-vous", le second
de l'Histoire (après Gemini VI et VII) était considéré comme
réalisé.
A 23h15 TU, le nez de Gemini VIII s'emboîte très délicatement dans
le cône de jonction d'Agena, pratiquement sans la moindre secousse.
Les deux véhicules n'en font plus qu'un, le premier arrimage de
l'espace est réalisé. "A titre d'information, je vous signale que
les engins étaient très stables et que les oscillations ont été très
stables et légères", annonçait, flegmatique, Neil Armstrong. Sur
Terre toutefois, on se montrait beaucoup moins flegmatique… Car on
savait que cette opération ouvrait la voie aux étapes suivantes, qui
allaient un jour aboutir à l'assemblage de grandes structures dans
l'Espace, et aussi à la conquête de la Lune, qui allait demander
plusieurs rendez-vous et jonctions en orbite terrestre et lunaire.
Les techniciens arboraient sourires et cigares...
L'enthousiasme dura peu de temps. A 00h19, Neil Armstrong appelait
la Terre et envoyait un message d'alerte, le premier de l'Histoire
spatiale. Gemini et Agena s'étaient soudain mis à osciller et à se
balancer, animés de mouvements incontrôlables, le tout dominé par un
mouvement de rotation sur l'axe de roulis. Armstrong réussit dans un
premier temps à stopper ce mouvement, mais il reprit immédiatement,
et encore plus violemment. Scott remarqua alors que le niveau de
carburant baissait très rapidement, ce qui indiquait que selon toute
vraisemblance, une des
fusées de contrôle d'attitude était restée bloquée à pleine
puissance.
Tandis que la rotation s'accélérait, atteignant un tour par seconde,
Armstrong, à la limite de la perte de connaissance, décida de
s'aider des moteurs de rentrée RCS (Re-Entry Control System) pour
contrecarrer la poussée latérale tout en entamant la procédure
d'urgence afin de se séparer d'Agena. Allégée, Gemini put enfin être
contrôlée.
Mission avortée
Poursuivre la mission dans de telles conditions, c'était courir le
risque de voir Gemini privée de tout moyen d'orientation au moment
de la rentrée dans l'atmosphère. Car si la séparation avait
débarrassé le vaisseau de la masse inerte d'Agena, le problème
persistait et le niveau de carburant s'était réduit, atteignant un
seuil critique.
Les techniciens de la Nasa se voyaient donc dans l'obligation d'agir
vite s'ils voulaient sauver Armstrong et Scott en péril dans
l'Espace, et déterminer le plus rapidement possible à quel endroit
ramener Gemini VIII, car il était hors de question d'attendre que le
vaisseau passe à la verticale du point prévu pour la récupération
normale.
Le système de contrôle d'attitude de la capsule s'était remis à
fonctionner, mais par à-coups, ce qui ne présageait rien de bon.
Finalement, il fut décidé de faire rentrer les deux hommes dans le
Pacifique au cours de la septième orbite, l'amerrissage étant prévu
en un point situé à 800 kilomètres à l'Est d'Okinawa (Japon).
C'était la première fois qu'une telle mesure d'urgence devait être
décidée au cours d'un vol habité américain ; jamais, auparavant, une
mission d'astronautes n'avait dû être interrompue prématurément.
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David Scott (à
gauche) et Neil Armstrong (à droite), qui sauva la mission. Crédit :
Nasa. |
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Alerte générale !
Tous les navires de récupération présents dans le Pacifique
recevaient alors l'ordre de faire route à toute vitesse vers le
point d'amerrissage prévu. Le plus proche était à ce moment le
contre-torpilleur "Mason", à 250 kilomètres, soit cinq heures de
route. Tandis que des C-54 de l'Armée de l'Air américaine
décollaient aussitôt de Guam, d'Okinawa et du Japon pour se rendre
sur les lieux, à tout hasard, des avions militaires américains, mais
aussi de Chine nationaliste, recevaient l'ordre de patrouiller entre
Okinawa et Formose pour l'éventualité où le vaisseau, mal contrôlé,
n'arriverait pas à se diriger vers l'endroit prévu et serait drossé
vers la terre.
A 03h45, Armstrong signala que les rétrofusées avaient été mises à
feu, les réserves de carburant étant encore suffisantes, et que la
descente s'amorçait. Ce fut le dernier signal jamais reçu depuis
Gemini VIII.
Une attente mortelle
A ce moment, un C-54, qui avait décollé d'Okinawa, se trouvait déjà
sur le lieu prévu pour l'amerrissage tandis qu'un autre, venant du
Japon, s'y dirigeait. Leurs pilotes signalèrent que la mer était
relativement calme, avec des creux n'excédant pas 1,50 à 2 mètres,
et que la visibilité était supérieure à 15 kilomètres.
Les calculs prévoyaient que le vaisseau devait rencontrer les
couches supérieures de l'atmosphère à 02h06, et que son parachute de
freinage s'ouvrirait normalement à 02h10 à une altitude de 15.000
mètres, suivi par ses parachutes principaux. Mais aucun signal radio
ne parvenait aux contrôleurs.
Contact !
A 02h34, le pilote du C-54 signala qu'il avait vu amerrir Gemini
VIII, à l'immense soulagement de tous les techniciens embarqués dans
l'aventure, et dont le cœur s'était probablement arrêté de battre
depuis de longues minutes !
La liaison radio avec la capsule ne fonctionnait toujours pas, mais
bientôt deux hommes-grenouilles étaient parachutés et entreprenaient
de placer un collier de flottaison autour de la capsule. Pour la
première fois dans l'histoire de l'astronautique américaine, les
deux astronautes obéirent aux instructions, et attendirent
patiemment, c'est-à-dire jusqu'à 04h28, que les sauveteurs les y
autorisent, avant d'ouvrir les hublots de leur vaisseau et en
sortir, souriants.
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Récupération de
Gemini VIII. Crédit : Nasa. |
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L'enquête, la cause de l'incident
L'enquête qui fut immédiatement entreprise révéla que le blocage en
position ouverte d'une fusée de stabilisation de Gemini (OAMS-8, ou
Orbit Attitude and Maneuver System 8) suite à un simple
court-circuit était bien la cause de l'incident qui aurait pu
évoluer en catastrophe. En effet, les oscillations de l'ensemble
n'avaient pas entièrement cessé après la séparation d'Agena, ce qui
la dégageait de toute responsabilité.
Dès le lendemain, les techniciens transmettaient à l'étage Agena,
qui orbitait tranquillement à 297 kilomètres d'altitude, l'ordre
d'allumer son moteur afin de se placer sur une orbite de 295 x 403
kilomètres, qui devait être ensuite circularisée à 407 kilomètres,
la Nasa espérant la réutiliser comme "cible" de la mission Gemini X
six mois plus tard.
Neil Armstrong, pilote de Gemini VIII, reçut tous les honneurs de la
Nasa pour être arrivé à contrôler les mouvements désordonnés de son
vaisseau et sauvé non seulement la mission, mais aussi son équipage.
Et il ne fait aucun doute aujourd'hui que c'est à cette occasion
qu'il a gagné son ticket pour la Lune !
Jean Etienne
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A droite, le
moteur OAMS 8 (Orbit Attitude and Maneuver System 8) qui fonctionna
de manière discontinue suite à un court-circuit. A gauche, le goupe
de moteurs RCS (Re-Entry Control System) qui permit à Neil Armstrong
de reprendre le contrôle du vaisseau après s'être séparé d'Agena.
Crédit : Space News International. |
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