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Badge
de Gemini 4. L'Aigle Américain sera plus tard repris sur le
badge d'Apollo 11, le seul qui ne comporte pas les noms des
astronautes. Crédit : Nasa. |
Le vaisseau Gemini 4, deuxième vol
habité de la série, s'élançait de Cap Canaveral à 15h 59 et 59
secondes TU après une brève interruption de la chronologie. A son
bord, Edward White et James Mc Divitt auxquels avait été confié un
programme plutôt chargé.
Le programme Gemini avait été mis au point afin de répéter toutes
les étapes qui permettraient, avec Apollo, de mettre le pied sur la
Lune. Après avoir réalisé les premiers changements d'orbite au cours
de Gemini 3 le 23 mars précédent, Gemini 4 devait pour la première
fois effectuer un vol groupé entre un vaisseau spatial et un autre
satellite, préfigurant ainsi les futurs rendez-vous spatiaux. En
l'occurrence, la cible choisie n'était autre que le deuxième étage
de la fusée Titan II qui venait de placer le vaisseau en orbite,
duquel Gemini devait se rapprocher à environ 7,50 mètres.
Mais un autre objectif avait été ajouté au programme. Le 18 mars,
soit moins de trois mois auparavant, le cosmonaute soviétique Alexei
Leonov était devenu le premier homme à quitter son vaisseau en
combinaison spatiale et flotter librement dans le cosmos. Supportant
mal cette nouvelle "première" du camp adverse, le directeur des vols
humains de la Nasa, le Dr George Mueller décidait dans la foulée
d'avancer cette nouvelle expérience, originellement prévue pour
Gemini 6. Mais Gemini 3 devait prendre le départ seulement cinq
jours après le succès soviétique, un délai évidemment trop court
pour en modifier le programme… aussi, cette première sortie
extravéhiculaire fut-elle ajoutée à la mission Gemini 4, trois mois
plus tard.
Un délai aussi court était-il raisonnable ? Non, si l'on considère
le temps nécessaire pour la préparation, les multiples
entraînements, les dispositifs de sécurité à mettre au point. Oui,
si l'on prend en compte le contexte du moment. Car on est en guerre.
Une guerre "froide", qui s'est largement déportée sur le plan
technologique, où il importe avant tout d'impressionner
l'adversaire. Ou de le bluffer du côté soviétique, mais cela, on ne
le saura que trente ans plus tard…
Modifications du programme
La sortie extravéhiculaire devait être accomplie par White au cours
de la deuxième orbite. Pour cela, l'astronaute avait été équipé d'un
pistolet-fusée en forme de guidon de bicyclette baptisé "Zip", qu'il
pouvait utiliser pour se diriger dans l'espace en éjectant des
bouffées de gaz d'une poussée de 500 et 250 grammes. L'appareil
était aussi équipé d'une caméra chargée de 30 mètres de film 16 mm
se déclenchant automatiquement en quittant la capsule. White était
relié au vaisseau par un cordon ombilical de 7,50 mètres, longueur
censée représenter la distance minimale entre l'étage de fusée et
Gemini au plus près du vol. La consigne avait été donnée à White de
se rapprocher autant qu'il le pouvait de la cible, et de la toucher
de la main.
Mais tout ne se passa pas comme prévu… Après séparation au moment de
la mise en orbite, l'étage de fusée se mit à culbuter rapidement sur
lui-même, sans que les techniciens puissent tenter quoi que ce soit
pour enrayer ces mouvements. Aussi, le directeur des missions
habitées, Christopher Colombus Kraft (Christophe Colomb !) prit-il
la décision d'annuler le rapprochement, ou plus exactement de le
limiter à une distance de sécurité de 100 à 130 mètres.
White s'étant déclaré plus éprouvé que prévu à la suite des
contraintes subies lors du lancement, la sortie fut reportée à la
troisième orbite. A la verticale des îles Hawaii, l'astronaute tira
sur la poignée de l'écoutille… et rien ne se passa. Le loquet
commandant le verrouillage refusait de fonctionner. C'est alors que
Mc Divitt se rappela que l'incident s'était déjà produit au cours
d'une répétition au sol. Quelquefois, un des ressorts devant
comprimer le loquet restait bloqué, et il avait pu voir comment le
mécanisme fonctionnait. La même situation s'étant reproduite dans
l'espace, il put ainsi aider Mc Divitt à débloquer l'écoutille, et
pensa aussi pouvoir la refermer ensuite…
White s'élance !
C'est ainsi que White put enfin s'élancer dans le vide spatial au
cours de la quatrième orbite, exécutant plusieurs expériences
scientifiques comme des mesures de radiations ou de positionnement
par rapport aux étoiles au moyen d'un sextant spatial. Mais quelques
coups de pied contre la coque de Gemini et autres tractions sur le
cordon ombilical s'avérèrent plus efficaces pour se déplacer que le
pistolet, dont ce fut la seule apparition à l'affiche des vols
spatiaux habités.
Après 21 minutes de vol libre, soit le double de Leonov, White
réintégra (non sans s'être fait prier) sa capsule et referma
l'écoutille. Toutefois, par mesure de précaution tout-à-fait
justifiée, celle-ci ne fut pas rouverte par la suite, ainsi que le
programme le prévoyait, afin de se débarrasser d'équipements devenus
inutiles pour la suite de la mission comme l'encombrant cordon
ombilical, les bouteilles d'azote du pistolet-fusée et une réserve
d'oxygène supplémentaire que White portait sur lui lors de sa
sortie. Précisons que contrairement au vaisseau Voskhod 2 de Leonov,
Gemini ne comportait pas de sas, l'intérieur du vaisseau étant
exposé au vide lors de la sortie.
Après 4 jours, 1 heure, 56 minutes en 2 secondes, Gemini 4 amerrit
dans l'océan Atlantique par 27°44N et 74°11W, au terme de 62
orbites. Il s'agissait alors du plus long vol américain habité.
Il faut aussi noter que la mission Gemini 4, et notamment la sortie
extravéhiculaire, était la première à être retransmise en
mondovision dans 12 pays européens via Early Bird, premier satellite
de télécommunications géostationnaire positionné au-dessus de
l'Atlantique depuis seulement deux mois. Elle inaugurait aussi le
nouveau centre de contrôle de la Nasa, situé près de Houston.
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