Tout en
observant ces structures au moyen d'ALMA
(Atacama Large Millimeter/submillimiter Array), un
radiotélescope géant observant les ondes millimétriques installé
dans le désert d'Atacama dans le nord du Chili, l'équipe a fait la
découverte passionnante de bouffées de gaz dans la région située
entre les deux disques. Les nouvelles observations suggèrent que la
matière est en cours de transfert à partir du disque externe vers le
disque interne, créant ainsi un véritable service de ravitaillement
de matière entre les deux.
"Que de la
matière circule dans la cavité entre les deux disques avait été
prédit par les simulations informatiques, mais cela n'avait jamais
été observé auparavant. La détection de ces bouffées indique que la
matière se déplace entre les disques, l'un permettant de nourrir
l'autre", explique Anne Dutrey. "Ces observations démontrent
que le déplacement de matière à partir du disque externe peut
alimenter le disque interne pendant une longue période. Cela a aussi
des conséquences importantes sur la formation potentielle de
planètes", ajoute la chercheuse.
Les planètes
naissent habituellement à partir de la matière laissée par la
formation des étoiles. Il s'agit d'un processus lent, ce qui
implique la présence indispensable d'un disque de matière durable au
sein duquel l'accrétion pourra se produire. Si plusieurs étoiles
d'un même système stellaire double ou multiple peuvent posséder leur
propre disque de matière, et a fortiori si ces disques restent
stables et durables, comme cela vient d'être démontré, signifie que
nous pouvons très bien imaginer plusieurs systèmes planétaires
imbriqués, chacun tournant autour d'une étoile distincte d'un
système double ou multiple.
La première
phase de la recherche d'exoplanètes avait été dirigée vers les
étoiles simples, comme notre Soleil. Puis il avait été démontré
qu'une partie importante des planètes géantes découvertes tournaient
autour d'étoiles doubles. A présent, les astronomes prennent
conscience de la possibilité de découvrir des systèmes planétaires
entiers orbitant autour d'étoiles individuelles de systèmes
stellaires multiples. Ou, pour l'exprimer plus simplement, de
systèmes solaires tournant autour d'autres systèmes solaires…
En tout état de
cause, cette nouvelle découverte marque un pas important et une
nouvelle ère dans la chasse aux exoplanètes.
oOo
L'équipe de
recherches est composée de Anne Dutrey (Université de Bordeaux /
CNRS, France), Emmanuel Di Folco (Université de Bordeaux / CNRS),
Yann Boehler (Université de Mexico, de Michoacan, Mexique), Jeff
Bary (Université Colgate, à Hamilton, USA), Tracy Beck (télescope
spatial Science Institute, Baltimore, Etats-Unis), Hervé Beust
(IPAG, Grenoble, France), Edwige Chapillon (Université de Bordeaux /
IRAM, France), Frédéric Gueth (IRAM, Saint Martin d'Hères, France,
Jean-Marc Huré (Université Bordeaux / CNRS), Arnaud Pierens
(Université de Bordeaux / CNRS), Vincent Piétu (IRAM), Michael Simon
(Stony Brook University, USA) et Ya-Wen Tang (Academia Sinica
Institut d'astronomie et d'astrophysique, Taipei, Taiwan) .
Cette étude fait
l'objet d'une publication dans la revue Nature de ce 30 octobre
2014, sous le titre "Planet
formation in the young, low-mass multiple stellar system GG Tau-A",
par A. Dutrey et al.
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