À partir
d'observations réalisées par la sonde Cassini, une équipe
internationale, comprenant des chercheurs de l'Observatoire de Paris
et de l'Université Pierre et Marie Curie à l'IMCCE (Observatoire de
Paris/CNRS/UPMC/Université Lille 1) et au laboratoire AIM
(CEA/CNRS/Université Paris Diderot), a mesuré la rotation de Mimas,
une lune de Saturne, et y a détecté des oscillations. Non conformes
aux modèles prédictifs, ces oscillations laissent penser que Mimas
pourrait abriter un noyau fortement aplati ou un océan sous sa
couche de glace.
La rotation de
Mimas a été mesurée à partir des images de la sonde ESA/NASA
Cassini, à l'aide d'une technique à l'utilisation peu connue, dite
de stéréophotogrammétrie . Tout comme la Lune autour de la Terre,
Mimas est en rotation synchrone autour de Saturne, sa planète. Cela
signifie que ce satellite tourne sur lui-même à la même vitesse
qu'il effectue une révolution autour de Saturne, montrant ainsi
toujours la même partie de sa surface à sa planète.
Toutefois, à ce
mouvement moyen uniforme, se superposent des oscillations. Ces
oscillations sont appelées librations. Les librations résultent du
couple de force gravitationnelle exercée par Saturne sur Mimas. Les
travaux menés par une équipe internationale impliquant des
chercheurs français de l'Institut de mécanique céleste et de calcul
des éphémérides de l'Observatoire de Paris (Observatoire de
Paris/CNRS/Université Pierre et Marie Curie/Université Lille 1) et
du laboratoire AIM (CEA/CNRS/Université Paris Diderot) et des
scientifiques de l'Observatoire Royal de Belgique, l'Université de
Namur (Belgique) et l'Université de Cornell (Etats-Unis) ont permis
de mettre en évidence deux types de librations: l'un à basse
fréquence, l'autre à haute fréquence. Or, sur ces deux types, celui
à haute fréquence présente une amplitude deux fois plus importante,
incompatible avec le modèle de rotation d'un satellite, solide, à
l'équilibre hydrostatique. Cette amplitude est révélatrice de la
distribution de masse à l'intérieur du corps et de la présence ou
non de couches liquides.
Ces observations
sont donc surprenantes et révèlent une structure interne intrigante.
Après avoir exploré plusieurs hypothèses, il apparaît que cette
forte amplitude peut s'expliquer soit par la présence, sous le
manteau de glace de Mimas, d'un noyau de roche de forme très
allongée, soit par l'existence d'un océan interne caché entre sa
surface glacée et son noyau.
En effet, les
planétologues supposent que le noyau de Mimas doit être à
l'équilibre hydrostatique (où les forces de gravitation, centrifuge
et de pression s'équilibrent dans le corps), par conséquence d'un
âge de formation très ancien. Or la forte amplitude de la libration
à haute fréquence pourrait indiquer un noyau présentant un
allongement de 20 à 60 kilomètres plus important que dans le cas
hydrostatique. Si le noyau de Mimas est bien allongé, alors il
aurait gelé depuis sa formation et aurait conservé en grande partie
sa forme initiale. En revanche, si Mimas possède un océan interne,
il rejoint alors le club des "satellites à océan interne" du Système
solaire incluant plusieurs lunes de Jupiter et Titan, un autre
satellite de Saturne. Un tel océan global serait une véritable
surprise car la surface de Mimas ne présente aucun signe d'activité
géologique récente. Des observations supplémentaires de Cassini
permettront d'affiner les modèles d'intérieur de Mimas.
Que ce soit
l'une ou l'autre de ces deux solutions, nous savons dorénavant que
Mimas, malgré sa surface apparemment ancienne criblée de cratères et
sa petite taille, n'est pas l'astre froid et inerte que l'on
imaginait. Percer le secret de son intérieur éclairera sûrement sur
sa formation, et par là-même sur la formation du système de Saturne
dans sa globalité.
Source : Mimas'
surprising interior: Strong constraints from Cassini ISS libration
measurements, R. Tajeddine, N. Rambaux, V. Lainey, S. Charnoz, A.
Richard, A. Rivoldini, B. Noyelles, Science, 17 octobre 2014. |