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23
novembre 2014 |
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De la relation entre la
navette spatiale et l'arrière-train des chevaux |
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A première vue, il pourrait paraître
incongru de vouloir comparer le véhicule de transport le plus
sophistiqué du monde avec le plus ancien moyen de déplacement de
l'Homme, fût-il sa plus noble conquête… avant celle de l'espace. Et
pourtant…
Les livres d'histoire nous l'ont enseigné. Les premiers véhicules
jamais utilisés à grande échelle étaient les chariots de guerre
romains, il y a de cela plus de deux mille ans.
Or, observons bien ces chariots, toujours répandus aujourd'hui à
travers l'imagerie populaire. Bien que de types très différents, ils
ont toujours le même empattement. Pourquoi ? Parce qu'ils étaient
tirés par un attelage de deux chevaux côte à côte (même si ce bon
vieux Ben Hur semait de temps en temps le trouble dans les arènes de
l'Empereur avec son quadrige à quatre chevaux). Or, les sabots de
l'attelage lancé au grand galop ayant tendance à maltraiter la terre
battue des voies de l'époque, fussent-elles romaines, il était
indispensable que les roues du char ne s'inscrivent pas dans la
continuité des empreintes sous peine de cahots indésirables, mais
entre celles-ci. L'écartement des chevaux étant lui-même déterminé
par une distance de sécurité qui les empêchait de se heurter au
niveau du postérieur, endroit le plus large de leur anatomie, une
dimension standard se dégagea bientôt qui détermina l'empattement de
tous les chars romains.
Plus tard, ces mêmes Romains déployèrent leurs légions sur tout le
territoire européen et, pour accélérer cette invasion, se mirent à
tracer des voies. Rapidement, les roues des chars y creusèrent des
ornières correspondant à leur écartement. Fin du premier épisode.
Nous nous retrouvons 2000 ans plus tard, toujours en Europe, et les
constructeurs du dix-neuvième siècle respectent toujours le même
écartement que leurs lointains ancêtres pour leurs diligences et
autres véhicules attelés. Pourquoi ? Parce que durant toute cette
période, les chemins n'ont jamais cessé d'être creusés d'ornières,
et qu'un espacement différent aurait provoqué la rupture de l'essieu
du chariot.
Or, une grande invention se profilait à l'horizon: le chemin de fer.
D'abord urbaines, les premières voies étaient parcourues par des
tramways tractés par des chevaux. Les personnes qui construisaient
ces véhicules attelés étant celles qui fabriquaient les chariots,
l'écartement fut conservé. Et quelques dizaines d'années plus tard,
ces mêmes ingénieurs installèrent en Grande-Bretagne les premières
lignes de chemins de fer et les premières locomotives à vapeur sur
le même modèle.
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La première
locomotive à vapeur du monde, celle de Stephenson, photographiée ici
en 1930 lors de la commémoration de son centième anniversaire. Elle
a contribué à déterminer les dimensions des boosters de la navette
spatiale américaine. Crédit: British Railways. |
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Christopher Columbus (pas celui qui
dirigea le programme Gemini de la Nasa, ce ne fut qu'un lointain
homonyme) ayant déjà placé l'Amérique à un jet de voile, il était
naturel que les voies ferrées américaines utilisent essentiellement
des locomotives britanniques, mondialement réputées et parfaitement
au point. Le chemin de fer US importa donc à la fois machines et
ingénieurs anglais, qui utilisèrent ce même écartement, déjà
standardisé très précisément à 4 pieds et 8 pouces et demi. Fin du
deuxième épisode.
Nouveau saut dans le temps. Oh, pas très loin: nous nous retrouvons
dans les années soixante-dix et le Sénat américain vint d'approuver
la construction d'un nouveau système de mise en orbite: la navette
spatiale. Par soumission, l'entreprise Thiokol, dans l'Utah,
remporte la réalisation des deux propulseurs d'appoint. Elle est
chargée de leur conception, développement, construction et
assemblage. Mais ces boosters, il va falloir les transporter entiers
jusqu'au pas de tir à Cap Canaveral. Et c'est là que ça devient
intéressant…
Pour ce transport, un seul moyen : le chemin de fer. Et aussi… un
tunnel, sous les montagnes rocheuses. Or, ces structures devaient
obligatoirement franchir ce tunnel, à peine plus large que la voie
de chemin de fer, dont l'écartement correspond à… la largeur de deux
arrière-trains de cheval.
Thiokol aurait bien voulu concevoir les boosters sur un modèle un
peu plus large, ce qui aurait réduit bien des contraintes
structurelles et amélioré la régularité de la combustion du
propergol solide par accroissement de la surface interne. Mais
aucune solution de remplacement dans un délai raisonnable n'ayant pu
être déterminée pour assurer le transport de ces énormes engins par
un autre moyen, il fallut donc bien se rallier aux normes… de Jules
César et ses confrères. |
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La navette
spatiale américaine. Les dimensions de ses boosters trouvent leur
origine il y a plus de deux mille ans, dans la Rome Antique. Crédit:
Nasa. |
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