18 octobre 2014

 

Après Pluton, un deuxième objectif pour New Horizons

 
Lancée le 19 juillet 2006, la sonde américaine New Horizons doit atteindre la planète naine Pluton le 14 juillet 2015 après une traversée-marathon du Système solaire de plus de neuf années à une vitesse jamais atteinte auparavant. Mais après ?

 

New Horizons. Crédit Nasa.

 

La sonde de tous les superlatifs

   
 


La plus légère, la plus rapide

Les 478 kg de New Horizons classent cette sonde parmi les plus légères jamais conçues pour l'exploration du Système solaire. Pourtant, son lancement a exigé l'emploi d'une fusée Atlas V-551, soit le lanceur lourd le plus puissant utilisé actuellement par l'Agence américaine.

Car atteindre Pluton relève autant du défi que de la technologie. Qu'on en juge plutôt. Lancée le 19 juillet 2006, New Horizons franchissait l'orbite de la Lune après 9 heures de vol, un voyage exigeant environ trois journées minimum à une sonde conventionnelle. Puis au bout de 13 mois au lieu des deux années habituelles, un hypothétique habitant de Jupiter aurait pu voir débouler ce petit objet de la taille d'un modeste piano à queue, raser les nuages de la planète géante et infléchir sa trajectoire sous sa formidable force gravitationnelle avant de repartir vers l'espace profond après avoir encore acquis 4 km/seconde supplémentaires. Enfin le 8 juin 2008, c'est l'orbite de Saturne qui est croisée, et cela 23 mois après le lancement, un voyage exigeant habituellement 4 années.

Pourquoi une telle vitesse ? La raison en est simple: Si Jupiter est distante de 5,2 Unités Astronomiques (778 millions de km) et Saturne de 9,5 UA (1,42 milliard de km), Pluton, elle, se trouve à 30 UA (4,49 milliards de km). Minimum. Ce qui justifie une telle vélocité, un lanceur d'une telle puissance.

L'objectif le plus lointain

Certes, Voyager 1 et 2 ont à présent quitté le Système solaire et se sont éloignées à des distances bien supérieures à l'orbite de Pluton. Mais ce n'était pas leur objectif primaire, qui ne consistait "que" en l'exploration des planètes géantes que sont Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune. New Horizons vise plus loin, beaucoup plus loin, non seulement avec l'exploration de Pluton et ses satellites, mais aussi de la ceinture de Kuiper et, si possible, d'un ou de plusieurs des objets qui la composent. Un objectif ultime tellement lointain qu'il vient seulement d'être défini, 8 ans après le départ de la sonde.

L'ultime frontière

Pour comprendre ce nouveau défi, il convient de se resituer au moment de la conception de New Horizons. En 2006, Pluton était encore une planète. Physiquement elle n'a pas changé, mais peu après le lancement et suite à la découverte d'autres corps similaires dans le Système solaire, l’Union astronomique internationale (UAI) décidait de redéfinir Pluton en Planète naine (ou Planète mineure). Et alors que les astronomes connaissaient à Pluton trois satellites naturels (Charon, Nix et Hydra, ces deux derniers découverts en 2005), la Nasa annonçait en 2011 que le télescope spatial Hubble avait permis d'identifier un quatrième satellite, nommé en juillet 2013 Kerbéros, qui ferait entre 14 et 34 kilomètres de diamètre, avant d'en découvrir en juillet 2012 encore un cinquième, nommé Styx et mesurant entre 10 et 25 kilomètres.

On le voit, il s'agit d'une véritable plongée dans l'inconnu pour New Horizons… Plus encore pour la Ceinture de Kuiper et l'objectif ultime, que les techniciens se proposaient de déterminer… après le départ de la sonde !

 
 

 
Pluton et son principal satellite Charon (en bas à droite), comparés à la Terre et la Lune.
Crédit Nasa.
 

Et cela n'a pas été sans difficulté. Jusqu'au mois de juin dernier, l'équipe de recherches dirigée par John Spencer, responsable du programme New Horizons, n'avait pu mettre en évidence la présence d'un objet dans la zone pouvant être explorée par la sonde, tenant compte de ses réserves de carburant, et donc de sa manœuvrabilité. En fait, il y avait moins de petits objets que prévu, et aucun n'était directement accessible. Aussi les scientifiques furent-ils contraints de faire appel au télescope spatial Hubble.

Un programme d'exploration du ciel débuta donc le 16 juin 2014. Au terme d'une semaine de prises de vues, cinq cibles potentielles étaient enfin mises en évidence, nommées provisoirement PT1 à PT5 (Potential Target 1 à 5). Ce fut un énorme travail d'équipe, annonce John Spencer. Encore fallait-il déterminer laquelle de ces cibles devait faire la préférence. Finalement, deux ont été écartées en raison de contraintes de vol risquées, car en effet, on ne peut connaître à l'avance l'influence qu'exercera Pluton sur la sonde. Sachant que la quantité de carburant restant ne permettra plus qu'une modification de trajectoire d'environ 1°, une marge de sécurité s'impose, réduisant drastiquement les possibilités de redirection. Une nouvelle campagne d'observation était alors conduite au moyen de Hubble du 2 au 22 août et concluait, après un nombre impressionnant d'analyses et de simulations, que l'objet PT1, situé à 43,6 UA (env. 6,5 milliards km) de la Terre, était le plus avantageux pour cette nouvelle mission.

PT1 avait été découvert le 27 juin, le onzième jour de l'examen de cette région du ciel par Hubble, dans une image prise le 26 juin 2014. Son existence avait été signalée par un algorithme de traitement automatisé et confirmée par les yeux de Marc Buie, un scientifique de l'équipe, le même jour. Son orbite avait ensuite été déterminée précisément par suivi photographique sur des images transmises les 2, 3, 21 et 23 août par le Télescope spatial. Depuis lors, quatre analyses indépendantes ont pu confirer que cet objet est bien à la portée de New Horizons.

Il reste encore de nombreuses données à passer au crible; jusqu'à présent, Hubble a acquis 830 images au moyen de sa caméra à grand champ, et plus de 100 images de suivi des autres cibles potentielles découvertes. Mais toutes sont extrêmement difficiles à repérer, car les photographies, même d'excellente qualité, les montrent entourées d'environ un million d'étoiles plus lumineuses que PT1.

 
 

 

Animation basée sur cinq images de PT1 prises par Hubble le 24 juin 2014 et
montrant son déplacement sur le fond du ciel. Sa magnitude est de 26,8,
trop faible pour une observation depuis un télescope terrestre. Crédit Nasa.

 

L'objet visé n'a pas encore reçu de nom officiel. Pour le programme New Horizons, il s'agit de PT1, tandis qu'une nomenclature provisoire l'appelle "1110113Y", en attendant une autre désignation numérique qui sera attribuée par le Minor Planet Center sur un rapport qui lui sera soumis lorsque de nouvelles observations de Hubble auront permis de cerner son astrométrie avec plus de précision.

Quelle type d'approche New Horizons mettra-t-elle en pratique ? L'équipe en charge de la sonde devra choisir arbitrairement depuis quelle distance ils désirent survoler l'objet, distance limitée par l'incertitude dans leur compréhension de sa trajectoire orbitale. Ils devront ensuite choisir un compromis entre le souhait d'obtenir des observations à haute résolution et les contraintes imposées par l'ingénierie, telles la vitesse à laquelle l'engin peut pivoter au moment du survol afin de permettre à la caméra d'assurer un suivi de la cible. Si celle-ci mesure 30 kilomètres de diamètre, comme les estimations actuelles semblent l'indiquer, l'imageur à haute résolution de New Horizons, LORRI, la montrerait à 60.000 kilomètres de distance avec une résolution transversale de 100 pixels, ou encore 1000 pixels à une distance de 6000 kilomètres. Une seule chose est certaine : Après avoir croisé Pluton, le moteur de la sonde sera activé probablement en décembre 2015 afin de la diriger vers cette nouvelle cible, qui sera atteinte… en janvier 2019, soit plus de quatre années après avoir croisé Pluton et douze années après son lancement.

 
 

PT1

 


Que savons-nous actuellement de PT1 ?

Très peu de choses. Son orbite est circulaire et sensiblement parallèle au plan de l'écliptique, donc nous nous trouvons face à un cas classique de corps appartenant à la région "froide" de la ceinture de Kuiper. A contrario, Pluton appartient à une population d'objets de la ceinture de Kuiper dont les orbites ont été modifiées avant de migrer vers l'intérieur du Système solaire avant d'y être dispersées. Cela n'est jamais le cas pour les objets de la région "froide" (entendez par là plus éloignée du Soleil) de la ceinture de Kuiper, qui ne sont jamais "ballotés" de cette façon. PT1 serait donc un objet très primitif, une relique glacée n'ayant jamais été réchauffée depuis la formation du Système solaire, un véritable fossile astronomique ! D'autre part, ses dimensions sont estimées entre 30 et 45 kilomètres, et la plupart des scientifiques pensent que les objets de cette taille ne sont pas primordiaux mais constituent des fragments de collisions entre des corps plus importants, ce qui les rendrait moins "vierges". Peu importe, car taille et position orbitale signifient que PT1 sera très, très différent de Pluton et de ce que nous connaissons.

A quoi ressemble-t-il ? Nous l'ignorons. A titre de comparaison, voici Hélène, un satellite naturel de Saturne mesurant 36 x 32 x 30 kilomètres et qui pourrait être, lui aussi, un ancien objet échappé de la ceinture de Kuiper. Mais Hélène n'est probablement pas une bonne analogie, car sa surface est affectée par une grande quantité de poussière balayée dans le système saturnien.

 

 
 

Hélène, satellite naturel de Saturne. Crédit Nasa.

 

Cet autre modèle, Ida, un astéroïde orbitant entre Mars et Jupiter, mesure 56 x 24 x 21 kilomètres ce qui lui confère un volume d'ordre similaire à PT1. Il est accompagné d'un petit satellite naturel, Dactyl. Mais Ida est composé presque entièrement de roche, alors que les objets de la ceinture de Kuiper devraient être faits principalement de glace. Il ne s'agit donc probablement pas non plus d'une bonne analogie. Nous savons aussi qu'une grande partie des corps formant la ceinture de Kuiper possèdent des satellitesà l'instar d'Ida. Est-ce le cas pour PT1 ? Nous ne le saurons qu'en 2019…

 

 
 
L'astéroïde Ida et son satellite Dactyl. Crédit nasa.
 
Mais il n'y a aucune raison de s'attendre à ce que PT1 puisse ressembler à aucun de ces modèles. Tout comme Pluton et Charon, PT1 est un monde comme personne n'en a jamais visité auparavant. Nous devrons attendre jusqu'en 2019 pour découvrir à quoi ressemble ce petit objet glacé de la ceinture de Kuiper. Et nous pouvons nous attendre à des surprises !
 
Source et références : New Horizons sur le site de la Nasa
 

 

 
 
 

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