Une épidémie de cécité de l’enfance
apparut dans les années 1940 au Canada. Partout, pédiatres et
ophtalmologistes en cherchèrent la cause. Une relation apparut
bientôt entre cette affection nouvelle et la prématurité ainsi que
le faible poids du nouveau-né (moins de 1,5 kg ou moins de 32
semaines de grossesse), sans en expliquer la cause. Un pas décisif
fut accompli en 1951, lorsque la docteure Kate Campbell, pédiatre de
Melbourne, en Australie, observa que l’emploi excessif d’oxygène
était un facteur déterminant dans l’apparition de la rétinopathie de
la prématurité.
La rétine, cette membrane qui tapisse le fond de l'œil et qui
contient les récepteurs nécessaires à la transformation de la
lumière en influx électrique pour le cerveau, est nourrie par des
vaisseaux sanguins qui apparaissent au centre et poussent
graduellement vers la périphérie pendant la vie fœtale. La
croissance de ces vaisseaux s'effectue d'ailleurs jusque vers les
dernières semaines de la vie fœtale.
Chez les bébés nés plusieurs semaines avant terme, la croissance de
ses vaisseaux n'est donc pas terminée. Pour la majorité d'entre eux,
elle se fera sans problèmes. Toutefois, chez certains bébés, de
nouveaux petits vaisseaux anormaux pousseront en périphérie, au
niveau de la rétine non vascularisée. Malheureusement, des fibres de
cicatrisation accompagneront ces nouveaux vaisseaux et pourront
effectuer une traction sur la rétine pouvant causer un décollement
de celle-ci, s'accompagnant d'un grand risque de cécité.
Un nouveau potentiel thérapeutique
Selon une étude publiée le 14 septembre 2014 dans la très
prestigieuse revue médicale Nature Medicine par des pédiatres et
chercheurs du CHU Sainte-Justine et de l'Université de Montréal,
l'activation d'un récepteur qui migre au noyau des cellules
nerveuses de la rétine favorise la croissance des vaisseaux
sanguins. Cette découverte permettrait de développer de nouveaux
médicaments plus sélectifs visant à enrayer la croissance anormale
des vaisseaux sanguins et de prévenir la cécité, notamment dans la
rétinopathie du prématuré. En effet, cette affection peut provoquer
le décollement de la rétine par suite d'une croissance anormale des
vaisseaux sanguins de l'œil.
Cette nouvelle voie thérapeutique, qui consiste à empêcher la
prolifération anormale de vaisseaux sanguins, se montre
particulièrement prometteuse.
"Cette étude démontre qu'un seul et même récepteur peut jouer
différents rôles, selon son site d'action au noyau ou à la membrane
de la cellule", déclare le Dr Jean-Sébastien Joyal, MD, PhD,
pédiatre-intensiviste au CHU Sainte-Justine et professeur adjoint à
l'Université de Montréal. Cette découverte fondamentale a
d'importantes conséquences cliniques, puisque plusieurs médicaments
agissent sur cette famille de récepteurs, sans égard à leur site
d'action dans la cellule.
"Nos résultats sont extrêmement encourageants. Ils laissent présager
que des médicaments formulés pour cibler ce récepteur nucléaire
pourraient un jour permettre de prévenir la rétinopathie chez les
bébés prématurés", a poursuivi le Dr Sylvain Chemtob, néonatalogiste
au CHU Sainte-Justine et professeur titulaire en pédiatrie,
ophtalmologie et pharmacologie dans la même université.
Sources :
CHU
Ste-Justine, Université de Montréal -
US National Library
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