Une équipe de
scientifiques vient de réaliser la carte la plus détaillée des
températures et de la répartition de la vapeur d'eau dans
l'atmosphère d'une planète extrasolaire.
Ces données ont
été obtenues à partir des observations du télescope spatial Hubble
de la planète WASP-43b, une "Jupiter chaude" découverte en 2011 par
la méthode des transits dans la constellation du Sextant. Elle se
différentie cependant par sa masse, représentant plus du double de
Jupiter, et par sa période de révolution autour de son étoile, qui
n'est que de 19 heures, une des plus courtes jamais observée pour
une exoplanète, en raison de sa proximité.
WASP-43b n'est
pas très hospitalières, c'est le moins qu'on puisse en dire. La
température diurne à sa surface atteint allègrement les 1600°C la
journée, ou plutôt sur son côté éclairé car elle présente toujours
la même face à son soleil, et le vent y souffle à la vitesse du son.
Côté nuit, la température n'est que de 530°C, tout de même de quoi
griller un steak en plein air en quelques secondes.
Pour étudier
l'atmosphère de WASP-43b, l'équipe de scientifiques a appliqué en
corrélation deux méthodes différentes d'analyse. Tout d'abord, la
lumière de l'étoile parente a été observée par spectroscopie, une
technique appelée spectroscopie de transmission. Ce procédé a permis
de déterminer l'abondance de l'eau dans l'atmosphère au niveau de la
frontière entre les deux hémisphères séparant le jour de la nuit.
Ensuite, et afin
de rendre la carte plus détaillée, l'équipe a également mesuré les
abondances et les températures d'eau à différentes longitudes. Pour
ce faire, ils ont profité de la précision et de la stabilité des
instruments de Hubble afin de soustraire plus de 99,95% de la
lumière de l'étoile parent, méthode leur permettant d'étudier
directement la lumière en provenance de la planète elle-même, une
technique appelée spectroscopie d'émission. En procédant ainsi lors
du passage de la planète en différents points de son orbite, ils ont
pu dresser une carte selon les différentes longitudes de l'astre.
"Nos
observations sont les premières du genre à pouvoir réaliser une
carte en deux dimensions de la structure thermique de la planète",
a déclaré Kevin Stevenson de l'Université de Chicago, Etats-Unis,
principal auteur de l'étude de cette carte thermique. "Ces cartes
peuvent être utilisées pour caractériser les modèles de circulation
qui permettent de prédire la façon dont la chaleur est véhiculée
entre les parties chaudes diurnes et froides nocturnes d'une
exoplanète".
"Nous avons
pu observer trois rotations complètes - trois ans de cette planète
lointaine - durant une période de quatre jours terrestres," a
expliqué Jacob Bean de l'Université de Chicago, Etats-Unis, leader
du projet de recherche. "Cela nous a permis de créer la première
carte complète de la température à la surface d'une exoplanète et de
sonder son atmosphère pour connaître la nature de ses éléments ainsi
que leur répartition".
Mieux
comprendre la physique planétaire
Déterminer la
répartition et les proportions des différents éléments dans les
atmosphères planétaires fournit des indices essentiels pour
comprendre comment ces planètes se sont formées.
"Parce qu'il
n'y a pas de planète présentant des conditions similaires dans notre
système solaire, la caractérisation de l'atmosphère de ce monde
étrange offre un laboratoire unique permettant d'acquérir une
meilleure compréhension de la formation des planètes et de la
physique planétaire," a déclaré Nikku Madhusudhan de
l'Université de Cambridge, Royaume-Uni, co-auteur des deux études. "Dans
ce cas, la découverte s'accorde bien avec les modèles préexistants
de la manière dont ces planètes se comportent."
L'équipe a aussi
constaté que WASP-43b ne reflète que très peu de la lumière de son
étoile hôte, autrement dit que son albédo est très faible. Une
atmosphère comme celle de la Terre, avec des nuages qui reflètent
plus la lumière du soleil, n'est pas présente sur WASP-43b, mais
l'équipe a mis en évidence la présence de beaucoup de vapeur d'eau
dans l'atmosphère de la planète.
"La planète
est si chaude que toute l'eau qu'on peut y trouver se trouve à
l'état de vapeur dans son atmosphère, plutôt que condensée dans les
nuages de glace comme ce que nous observons sur Jupiter", a
déclaré Laura Kreidberg de l'Université de Chicago, principale
responsable de l'étude de la répartition de l'eau sur WASP-43b.
L'eau semble
jouer un rôle important dans la formation des planètes géantes. Les
astronomes théorisent que les comètes sont responsables de cette
abondance en apportant l'eau ainsi que d'autres molécules lors de la
formation des jeunes systèmes extrasolaires. Cependant, l'abondance
de cet élément liquide dans les planètes géantes de notre propre
système solaire est mal connue parce que cette eau s'y trouve à
l'état de glace dans les couches les plus inférieures de leur
atmosphère, ce qui la rend difficile à identifier.
"Les sondes
spatiales n'ont pas pu pénétrer assez profondément dans l'atmosphère
de Jupiter pour obtenir une mesure précise de l'abondance de l'eau.
Mais cette planète géante est très différente", a ajouté Derek
Homeier de l'École Normale Supérieure de Lyon, France, co-auteur de
l'étude. "Mais l'eau de WASP-43b s'y trouve sous forme de vapeur,
qui peut être beaucoup plus facilement identifiée. Elle était donc
facile à mettre en évidence, et nous avons pu la quantifier très
exactement en mesurant les variations de son atmosphère en
différentes positions de son orbite".
Les résultats
sont présentés dans deux nouveaux documents, l'un sur la
cartographie thermique de l'atmosphère de la planète - publiée en
ligne dans
Science Express le 9 Octobre - et l'autre sur la
cartographie de la teneur en eau de l'atmosphère - publié dans
The Astrophysical Journal Letters le 12 Septembre 2014.
Une
vidéo de la répartition des températures peut aussi être
visionnée sur le site de l'Université de Chicago.
Note :
Le successeur
prévu de Hubble, le télescope spatial James Webb, sera en mesure non
seulement de mesurer l'abondance de l'eau, mais aussi l'abondance
des monoxyde de carbone, dioxyde de carbone, de l'ammoniac et du
méthane, en fonction de la température de la planète.
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