En 1976,
les données transmises depuis le sol martien par une des premières
sondes de la Nasa intriguèrent les scientifiques qui, devant leur
apparente incohérence, conclurent à un artefact ou un défaut
d’instrumentation et les rejetèrent. Mais aujourd’hui, trente-huit
années de perfectionnement des méthodes d’analyse procurent à ces
mêmes données un nouvel éclairage incitant à penser qu’une forme de
vie avait réellement été observée sur la Planète rouge.
En se
posant sur Mars le 3 septembre 1976, la sonde américaine Viking 2
apportait cinq instruments dont trois d'entre eux, pour une masse
totale de 15,5 kg, devaient trancher sur l’existence – ou l’absence
- d’une vie martienne. 15,5 kg, ce n’était pas un mince exploit à
une époque où la miniaturisation était loin d’avoir atteint son
niveau actuel, aussi les scientifiques s'étaient-ils appliqués à
mettre au point des expériences relativement simples, mais
ingénieuses.
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Viking 2 sur
Mars. Crédit Nasa. |
Une
manipulation, télécommandée depuis la Terre, consistait à introduire
dans un réceptacle stérile un échantillon de sol puis, après
isolement complet et sous atmosphère contrôlée, une goutte d’eau
contenant certains nutriments et des atomes de carbone radioactif y
était déposée. L’idée était que si des organismes martiens étaient
présents, ceux-ci auraient métabolisé les nutriments et relâché du
carbone ou du dioxyde de carbone radioactif pouvant être mis en
évidence par un détecteur de radiations dont Viking était équipée.
Répétée à
plusieurs reprises et de plus en plus profondément, cette expérience
ne fournit que des résultats négatifs. Sauf… sauf lors du troisième
prélèvement, où un violent pic d’émission 200 fois supérieur à la
moyenne fut constaté. Mais faute de confirmation lors des
manipulations ultérieures, les chercheurs estimèrent se trouver face
à un évènement isolé non représentatif, et classèrent les données
dans le tiroir aux oublis… La conclusion s’imposa donc : Mars est
exempte de toute forme de vie, du moins à cet endroit.
C’est là
qu’intervient Joseph Miller, un neurobiologiste de l’université de
Californie ayant participé au programme ainsi que Gilbert V. Levin,
celui-là même qui dirigea la plupart des expériences Viking.
L’équipe réexamina les données écartées près de 40 ans plus tôt avec
des moyens inexistants à l’époque, notamment des algorithmes et des
modèles mathématiques permettant d’isoler les marqueurs biologiques
de ceux qui ne l’étaient pas. Surprise : le pic a bien été tracé par
l’enregistrement de marqueurs biologiques, signe caractéristique
d’une vie microbienne sur Mars. Mais il y a mieux, car le nouveau
graphe ainsi produit montre ensuite une variation cyclique d’une
période de 24,7 heures. Or, 24,7 heures représentent exactement la
période de rotation de la Planète rouge sur elle-même. Difficile de
ne pas penser immédiatement à un rythme circadien.
Et ce
n’est pas tout, car les chercheurs balaient aussi d’un revers de
main l’objection selon laquelle si trace de vie il y avait, elle
aurait du se manifester durant les précédentes tentatives. Lors de
missions ultérieures (notamment Phoenix en 2008), une couche de
glace a souvent été mise en évidence sous le sol poussiéreux,
alimentant l'hypothèse de la possibilité d'une vie microbienne à une
certaine profondeur. Or, Viking analysait la matière prélevée de
plus en plus profondément, jusqu’à dix centimètres au maximum…
Bien sûr,
cette découverte ne suffit pas à convaincre l'ensemble de la
communauté scientifique tant qu'on ne disposera pas d'une vidéo
montrant une bactérie martienne s'ébattant dans une boîte de petri.
"Pour une raison inconnue, déclare Miller, la NASA n’a
jamais envoyé un microscope qui nous permettrait de voir une chose
pareille", indique le neurobiologiste, évoquant les microscopes
à vocation exclusivement géologique équipant les sondes Spirit,
Opportunity et Curiosity évoluant sur Mars depuis 2003 et 2012. "S’ils
peuvent envoyer un microscope pour les géologues, ils devraient
pourtant être capables d’en faire autant pour les biologistes".
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