Depuis les
débuts de l'exploration spatiale, de nombreuses sondes spatiales
sont entrées dans une orbite hyperbolique autour de planètes ou
satellites, dans le but de profiter de leur énergie gravitationnelle
et repartir vers leur cible avec une vitesse accrue. Cependant, au
cours de cette manœuvre parfaitement calculée et dont les résultats
devraient être prévus avec une très grande précision, la vitesse
résultante s'écarte de celle attendue.
Cette anomalie a
été détectée avec un niveau élevé de précision accru lors de survols
de la Terre, en raison de la disponibilité des stations de
surveillance telles celle de la NASA à Robledo de Chabela (Madrid)
ou celui de l'Agence spatiale européenne à Cebreros (Avila), qui
permettent de mesurer très précisément les variations de la vitesse
des engins spatiaux à l'aide de radars.
|
Trajectoire de
Juno vers Jupiter, avec survol de la Terre le 9 octobre
2013. Crédit Nasa. |
Ainsi, lorsque
la sonde spatiale Galileo a survolé la Terre en 1990, une vitesse
supérieure de 4 millimètres par seconde a été détectée. Lors de son
deuxième survol en 1992, une nouvelle erreur de 4 millimètres par
seconde était observée, mais dans l'autre sens: la sonde
ralentissait par rapport son modèle.
En 1998, une
erreur de 13 mm/seconde était observée pour la sonde NEAR, et des
anomalies similaires se répétaient encore dans les survols de
Cassini en 1999 (-2 mm/seconde), ainsi que ceux des sondes Messenger
et Rosetta en 2005, avec 0,02 mm/seconde et 1,82 mm/seconde
respectivement.
"Ces écarts
n'affectent pas significativement les trajectoires des vaisseaux
spatiaux, mais même si leurs valeurs paraissent faibles, il est très
important de clarifier ce qui les provoque, en particulier dans le
contexte actuel d'une exploration spatiale de grande précision",
annonce Luis Acedo Rodríguez, physicien à l'Université Polytechnique
de Valence (France).
Les
scientifiques n'ont jusqu'à présent apporté aucune explication
convaincante à ce phénomène, mais ont mis en avant une suite
d'hypothèses. Certains citent l'influence du rayonnement solaire,
tandis que d'autres suggèrent l'influence des champs magnétiques ou
l'effet des marées. Des théories moins conventionnelles sont émises,
telles que l'existence d'un halo de matière noire piégé et entraîné
par le champ gravitationnel de la Terre.
Luis Acedo
Rodríguez propose aussi une explication basée sur un supposé champ
gravito-magnétique aligné sur les parallèles de notre planète, une
approche qui pourrait être utilisée pour expliquer la plupart des
effets sur la majorité des survols. "La théorie de la relativité
générale formulée par Einstein prédit l'existence d'un domaine
similaire, mais basé sur les méridiens, et dont l'existence paraît
confirmée par des expériences telles que Gravity Probe B",
commente le chercheur, même s'il reconnaît les limites importantes
du modèle. "Si ce champ de force existait, explique-t-il,
ses effets seraient également observés sur les satellites suivant
des orbites elliptiques, et auraient été détectés depuis longtemps
par les satellites géodynamiques tels LAGEOS ou LARES. Cependant ce
n'est pas le cas, et il donc peu probable qu'un champ de ce type
puisse jeter une lumière sur ce mystère sans modifier sérieusement
notre compréhension de la gravité de la Terre".
|