Un drame se joue en permanence dans un endroit particulier du
système d'anneaux de Saturne: des petites lunes naissent, puis
disparaissent sur une durée qui n'excède pas celle d'un clin d'œil
dans l'histoire du Système solaire.
Mark Showalter, un scientifique du
Seti Institute,
spécialisé dans l'étude des anneaux planétaires et son assistant
Robert French, ont examiné les images en haute résolution des
anneaux de Saturne par la sonde Cassini et les ont comparées avec
celles prises trente années auparavant par la mission Voyager. Une
durée extrêmement faible sur le plan cosmologique, et pourtant, des
différences significatives apparaissent clairement.
L'anneau F, le plus extérieur, montre
des points lumineux qui vont et viennent au fil des heures et des
jours, un mystère que les deux astronomes pensent avoir résolu.
"L'anneau F présente un aspect étroit
caractéristique et est entièrement composé de glace d'eau. Il se
situe à l'extérieur des plus grands anneaux A, B et C et présente
des taches lumineuses. Mais il a radicalement changé d'apparence
depuis l'époque de Voyager, et on y observe aujourd'hui beaucoup
moins de parties très lumineuses", annonce Robert French.
"Nous pensons que ces parties très
lumineuses se produisent lorsque de minuscules lunes, de la
dimension d'une grosse montagne, entrent en collision avec les
parties les plus denses de l'anneau. A leur échelle, elles sont
assez petites pour fusionner et se briser en peu de temps", ajoute
le scientifique.
L'anneau F se situe à une distance
très particulière de la planète géante, connue sous le nom de
"Limite de Roche", du nom de l'astronome français Edouard Roche qui
le premier a fait remarquer que si une lune se trouve en orbite trop
près d'une planète, la différence d'attraction gravitationnelle
entre son côté le plus proche et le plus éloigné peut finir par la
disloquer. Cette distance dépend de la masse de la planète, et dans
le cas de Saturne, se trouve être à l'emplacement exact de l'anneau
F. Par conséquent, toutes les conditions sont ici réunies à la fois
pour former de petites lunes par accrétion, mais aussi pour les
détruire par les forces gravitationnelles. Une véritable lutte
permanente entre le yin et le yang…
Cette agitation est encore amplifiée
par Prométhée, non le personnage mythologique accusé d'avoir volé le
feu de l'Olympe, mais un satellite naturel de quelque 100 km de
diamètre qui orbite à l'intérieur de cet anneau F. Tous les 17 ans,
Prométhée s'aligne avec l'anneau et sa propre force de gravitation
précipite la formation de mini-lunes. "Mais celles-ci jouent les
autos-tamponneuses, entrent en collision à plusieurs reprises au
sein de l'anneau F et produisent des éclats lumineux. Mais ce
comportement est auto-destructeur et ces lunes, tout juste à la
limite de Roche, sont à peine stables et rapidement fragmentées",
explique Mark Showalter.
Si l'hypothèse du rôle de Prométhée se
confirme, il devrait alors se produire une augmentation de la fréquence
des éclats lumineux au cours des prochaines années, une prédiction
que les astronomes travaillant sur la base des observations de
Cassini vont s'efforcer de confirmer.
Source :
Analysis of clumps in Saturn’s F ring from Voyager and Cassini |