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Les risques liés à l'exposition à
long terme des astronautes au rayonnement cosmique auraient été
surévalués, selon les données fournies par l'expérience Matroshka
réalisée à l'intérieur et à l'extérieur de la Station Spatiale
Internationale.
Parmi les nombreux dangers menaçant la vie au voyageur de l'espace,
le rayonnement cosmique est un problème majeur, limitant
considérablement le temps que peuvent passer les astronautes dans
l'espace sans encourir de risque excessif pour leur santé suite à
leur exposition aux rayons ionisants. Mais dans quelle mesure ? Pour
déterminer les doses réelles de rayonnement subies par les voyageurs
de l'espace, l'Agence spatiale européenne (ESA), en collaboration
avec des institutions de recherche en l'Allemagne, Pologne,
Autriche, Suède et Russie, a conçu et réalisé l'expérience
Matroshka.
Les scientifiques ont conçu un mannequin imitant étroitement le
corps humain, équipé de plusieurs milliers de détecteurs, dont la
plupart ont été fabriqués à l'Institut de physique nucléaire de
l'Académie polonaise des sciences (en polonais Polska Akademia Nauk,
Ifj PAN) à Cracovie, en Pologne. Ces détecteurs ont enregistré les
doses de rayonnement cosmique à l'intérieur de la Station spatiale
internationale ainsi qu'à l'extérieur - dans un espace ouvert -
durant plusieurs années. L'analyse minutieuse des données vient de
s'achever, et les résultats sont quelque peu inattendus.
"On peut affirmer que l'environnement spatial est un peu moins
hostile que prévu. Les doses enregistrées, liés au risque
d'altération de la santé des astronautes et calculées à partir des
mesures des détecteurs, se révèlent inférieures à celles indiquées
par les dosimètres portés en même temps par les astronautes",
explique le Dr Paweł Bilski, professeur agrégé à l'Ifj PAN.
Un mannequin dérivé de la recherche médicale
Un mannequin spécialement adapté utilisé dans la recherche médicale,
garni d'ossements humains réels insérés dans un «corps» en plastique
simulant les formes et densités des tissus mous ou des poumons dans
un organisme humain, a été utilisé pour mesurer les doses de
rayonnements cosmiques. Le mannequin (un torse sans jambes) se
composait de 33 tranches de 2,5 cm d'épaisseur chacune. L'équipement
de mesure a été placé à l'intérieur de ces tranches et comprenait
des ensembles de détecteurs thermoluminescents passifs placés dans
des tubes en plastique. Ainsi, une grille rectangulaire
tridimensionnelle de points de mesure a été créée à l'intérieur du
mannequin représentée par six mille détecteurs thermoluminescents.
Plus de trois mille de ces détecteurs ont été fabriqués à l'Ifj PAN.
Cette conception expérimentale a permis aux chercheurs de déterminer
avec précision la répartition spatiale des rayonnements enregistrés
à l'intérieur de cet organisme artificiel, afin d'évaluer avec
précision les doses absorbées par les organes du corps humain, et
enfin d'établir une estimation du risque d'irradiation pour les
astronautes.
"Nos détecteurs thermoluminescents se présentent sous la forme de
minces granules blancs de 4,5 mm de diamètre. Ils sont composés de
fluorure de lithium enrichi de quelques dopants soigneusement
sélectionnés", explique le professeur Paweł Olko, directeur
scientifique de l'Ifj PAN.
Les dopants contrarient la structure régulière du réseau cristallin
de fluorure de lithium composant le détecteur et créent des niveaux
d'énergie surnuméraires, qui agissent comme des pièges pour les
électrons libres entraînés par le rayonnement cosmique dans ce
treillis. Le nombre des électrons piégés augmente progressivement
avec la dose absorbée dans le détecteur. Lorsque celui-ci est
ensuite chauffé en laboratoire, les électrons piégés sont libérés et
émettent de la lumière, dont la quantité est proportionnelle à la
dose absorbée, traduisant l'importance de l'irradiation.
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Le principal danger de l'exposition au
rayonnement cosmique est la probabilité accrue de développer un
cancer. Cette conséquence est cependant dépendante du type de
rayonnement subi par l'astronaute. La plupart des sources naturelles
de radiations ionisantes sur Terre produisent un rayonnement
électromagnétique de haute énergie, les rayons gamma. Mais dans les
rayons cosmiques, des protons ou des ions lourds énergétiques
dominent, or ceux-ci présentent un risque encore accru d'entraîner
la production de cellules cancéreuses. Les détecteurs
thermoluminescents étant incapables d'effectuer la différence entre
les rayons gamma et les ions lourds énergétiques, le mannequin a été
également équipé de détecteurs spécifiques permettant d'opérer cette
distinction.
Le mannequin disposé à bord de la Station Spatiale Internationale
(ISS) a de surcroît été revêtu d'un "poncho" comportant des
détecteurs supplémentaires, simulant les dosimètres personnels
portés par les astronautes. Les deux types de mesures pouvaient
ainsi être comparées.
Des résultats inattendus
Au cours des années 2004-2009 le mannequin MATROSHKA subi trois
expositions au rayonnement cosmique, d'une durée d'un an ou plus.
Deux de ces expositions ont eu lieu à l'intérieur des modules russes
de la station spatiale, la troisième à l'extérieur, dans un
récipient imitant les propriétés de blindage d'une combinaison
spatiale.
Après le retour des détecteurs à Terre, l'analyse de l'ensemble de
données a été effectuée par des équipes de scientifiques de l'Ifj
PAN à Cracovie, le Centre aérospatial allemand (DLR) à Cologne et à
l'Université de Vienne. La conclusion était que les dosimètres
individuels portés à l'intérieur de la station par l'équipage
avaient surestimé la dose réelle mesurée par le mannequin d'environ
15%. Cependant, lors des sorties dans l'espace, cette surestimation
a dépassé 200%.
"Nous devons nous rappeler que les mesures réalisées dans le cadre
de l'expérience Matroshka ont été effectuées en orbite basse, là où
la magnétosphère de la Terre permet de réduire considérablement le
nombre de particules chargées provenant du rayonnement cosmique.
Dans l'espace interplanétaire, ce blindage naturel n'existe pas",
remarque le Dr Bilski.
Sources :
>>> National Center for Biotechnology Information, U.S.
National Library of Medicine :
"A numerical model of a human torso phantom and its application to
effective dose equivalent calculations for astronauts at the ISS”.
>>> Radiation Research Society :
"The MATROSHKA Experiment: Results and Comparison from
Extravehicular Activity (MTR-1) and Intravehicular Activity
(MTR-2A/2B) Exposure".
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