Les
repeuplements servent à endiguer la raréfaction d'une espèce suite à
de nombreux facteurs, le plus souvent d'origine humaine :
pollutions, industrialisation, réduction des zones d'habitat
naturel, surpêche. Cependant, les espèces réintroduites, élevées en
captivité, ne sont pas parfaitement adaptées à leur milieu. On
pourrait donc appréhender une "corruption" de la population sauvage
après reproduction de ses membres avec des individus domestiqués.
Or, cette
crainte ne serait pas fondée, selon une nouvelle étude de
l’Université Concordia publiée dans la livraison du 3 novembre 2014
de la revue
Evolutionary Applications, ayant pour objet le repeuplement
des poissons des lacs et rivière. En effet, la reproduction et la
sélection naturelle aidant, les poissons hybrides sont – après
quelques générations – aussi robustes sur le plan génétique que
leurs ancêtres entièrement sauvages, la sélection naturelle
atténuant les effets génétiques de l’hybridation anthropique.
À la pêche
aux données
Dirigée par le
professeur de biologie Dylan Fraser, l’équipe de recherche se
composait d’Andrew Harbicht, étudiant aux cycles supérieurs à
Concordia, et de Chris Wilson, du ministère des Richesses naturelles
et des Forêts de l’Ontario. Pour mener à bien leur projet, les trois
scientifiques ont mis le cap sur le parc provincial Algonquin.
Véritable paradis du pêcheur, cet espace préservé est parsemé de
lacs, alevinés voilà nombre d’années avec du saumon et de la truite
d’élevage.
Les chercheurs
ont d’abord transplanté dans de nouveaux environnements des
populations de poissons sauvages, domestiquées et hybrides. Ensuite,
ils ont comparé le taux de survie et les caractéristiques physiques
des individus dans chaque milieu d’observation. Ils voulaient ainsi
vérifier si, après plusieurs générations de sélection naturelle en
pleine nature, l’hybridation avait une incidence sur le potentiel
d’adaptation des poissons.
Résultat : en
cinq à onze générations (soit environ 25 à 50 ans), les gènes
étrangers introduits dans les populations sauvages à la suite d’une
hybridation sont éliminés par sélection naturelle. Autrement dit,
les populations enrichies de poissons d’élevage sont impossibles à
distinguer, du point de vue génétique, de celles qui n’ont pas eu ce
type d’apport.
Répercussions en
matière de conservation
Pêcheur assidu
lui-même, Dylan Fraser affirme que les résultats de l’étude sont de
bon augure pour les populations sauvages qui avaient d’abord
souffert de l’hybridation anthropique.
« Si nous
pouvons stopper le flux entrant de gènes étrangers tout en
préservant un habitat similaire à celui qui existait avant
l’hybridation, les populations sauvages ont de fortes chances de se
rétablir, affirme le professeur. Le processus pourrait même être
plus rapide que nous ne le pensions. »
Du reste, ce
phénomène ne semble pas survenir que chez les poissons. En effet,
des conclusions du même ordre ont été faites à propos d’espèces de
loups précédemment exposées à l’hybridation.
Source :
Evolutionary conservation - evaluating the adaptive potential of
species (Evolutionary
Applications)
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