En septembre
dernier, la grande majorité des organes de presse claironnaient
qu'une étude scientifique avait permis d'identifier Jack L'Eventreur
sur la base d'un test ADN. Mais fin octobre, il n'y avait
curieusement plus grand monde pour démentir la nouvelle, qui ne
reposait que sur une erreur…
Il faut bien
l'admettre: après cette "une" tonitruante, qui a fait le tour de la
terre par la voie des airs, de l'image et du son, la véritable
identité de ce personnage historique, quasi-mythologique pour
certains, reste un mystère. Et le restera encore probablement
longtemps.
Pourtant, le 9
septembre dernier,
The Independant publiait – en exclusivité – un long article
très détaillé décrivant comment un enquêteur "amateur", Jari
Louhelainen, avait réussi à identifier le tueur, un coiffeur juif
polonais nommé Aaron Kosminski, suspect laissé en liberté à l'époque
par manque de preuves. Il aurait obtenu ce résultat sur la base du
séquençage ADN des traces de sperme laissées sur un châle abandonné
par Jack L'Eventreur près d'une des victimes (Catherine Eddowes), et
soigneusement conservé par les descendants d'un des policiers ayant
enquêté sur le crime voici 126 années avant d'être vendu aux
enchères voici une vingtaine d'années. La comparaison de cet ADN
avec celui d'une des descendantes d'Aaron Kosminski, qui s'est
portée volontaire pour un prélèvement, aurait été déterminante. Je
passe les détails de cette enquête, plutôt rocambolesques...
Mais toute cette
construction était basée sur une erreur. C'est le site australien
casebook.org
qui l'a remarqué le premier, puis quatre experts de l'ADN l'ont mis
en évidence: Jari Louhelainen aurait fait une "erreur de
nomenclature" quand "il a utilisé une base de données d'ADN
pour calculer les chances d'une correspondance génétique. Si cela
est avéré, cela prouverait que ses calculs sont faux et que
techniquement, n'importe qui aurait pu laisser cet ADN alors que le
scientifique affirmait que c'était celui de Jack l'Eventreur".
Autrement dit, notre enquêteur amateur s'était comporté en… amateur.
Résumons.
Le châle
L'auteur, qui a
d'ailleurs publié un livre sur son enquête (nous n'osons dire "sur
sa découverte"), affirme que le châle, d'un modèle coûteux, ne
pouvait appartenir à la victime car celle-ci était de situation
modeste. Soit. Mais si on pousse les vérifications un peu plus loin,
ce que les "vrais" enquêteurs de casebook.org ont fait, on
s'aperçoit que cet objet ne figure pas parmi l'inventaire des pièces
à conviction prélevées sur les lieux du crime. Plus gênant: le
policier qui aurait découvert le châle, nommé Amos Simpson, n'a
jamais été cité dans les procès-verbaux d'enquête. En fait, il ne
s'est jamais rendu sur les lieux du crime.
L'ADN
Bien entendu, la
corrélation entre l'ADN du meurtrier et celui de sa victime pourrait
balayer ces arguments. Mais cette corrélation était basée sur une
grossière erreur. Pour prouver que ce châle était bien celui de
Catherine Eddowes, Jari Louhelainen s'appuyait sur le fait que l'ADN
prélevé sur les taches de sperme de Jack l'Eventreur et celui d'une
des descendantes du suspect Aaron Kosminski présentaient tous les
deux une mutation génétique excessivement rare (314.1C), partagée
par seulement une personne sur 290.000. Mais voilà : selon quatre
experts généticiens, dont le britannique Alec Jeffreys, Louhelainen
a confondu la mutation 314.1C avec une autre, 315.1C. Et celle-là
est beaucoup plus répandue, puisqu'elle touche… 99% de la population
mondiale !
Ainsi que le
déclarent les responsables du site Casebook, "La beauté de la
science, c'est qu'elle peut être indépendamment testée et vérifiée.
Aujourd'hui, il semble que les annonces de M. Edwards (qui a écrit
un livre sur la véritable identité de Jack l'Eventreur, d'après les
recherches faites avec Jari Louhelainen) doivent être prises avec
une beaucoup de recul, tant qu'elles n'ont pas été indépendamment
vérifiées et publiées dans un journal réputé".
Laissons
conclure le Washington Post : "En l'espace de 120 ans, le moulin
à rumeurs, une armée de détectives amateurs et la machine à fakes
britannique a fait circuler de très nombreux noms. On a cru à un
boucher, à un docteur et même au petit-fils de la Reine Victoria.
Les regards se sont ensuite tournés vers Robert Mann, un employé de
la morgue. Ou peut-être était-ce l'artiste victorien Walter Sickert,
qui était 'lié' – le verbe préféré dans ces affaires – à plusieurs
lettres supposément écrites par Jack l'Eventreur".
A présent, on
peut éliminer un coiffeur polonais…
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